Musée de la Photographie

Sans en lire la légende, l’observateur attribuera, sans doute, la photographie choisie ce mois-ci comme œuvre du mois à un studio oriental. Pourtant, nous devons cette image au studio carolorégien de Robert Melchers connu pour ses portraits-studio classiques. Comment pouvons-nous expliquer ce portrait aux influences orientalisantes au sein d’un studio photographique carolorégien, en cette fin du XIX^e et début du XX^e siècle ?

Pour trouver une réponse éclairante, il faut remonter un siècle plus tôt, en 1798, date de l’expédition d’Egypte par les armées bonapartistes. L’Orient, qui fascine l’Occident depuis longtemps, devient un sujet majeur des préoccupations artistiques du XIX^e siècle. Les esquisses, peintures et témoignages ramenés d’Egypte nourrissent l’imaginaire occidental. Les artistes s’emparent du sujet et ce que l’histoire de l’art appellera « l’orientalisme » voit le jour. Ce mouvement, tout d’abord profondément ancré dans l’univers pictural, touche ensuite à tous les domaines de l’art : la musique, la littérature, l’architecture et également la photographie. Il faut comprendre l’orientalisme dans un contexte historique où l’accès aux voyages reste très limité et où l’Europe est en pleine période colonialiste. Les artistes vont alors transposer une vision fantasmée de l’Orient dans leurs productions. Il ne s’agit pas ici de dépeindre la réalité mais bien d’illustrer un Orient rêvé des « Mille et une Nuits » où langueur, volupté, scènes épiques, soleil brûlant et vision d’oasis paradisiaques, prennent corps et ampleur.

La photographie du studio Melchers est particulièrement intéressante car elle témoigne de l’influence de ce courant artistique qui touche l’Europe entière et qui s’étend jusque dans des studios photographiques de province. Ici la volonté, qu’elle émane du modèle ou du photographe, est bien de s’inspirer des modèles orientalisants présents dans d’autres représentations photographiques ou picturales. Il existe réellement une circulation de ces images et de ces idées.