Œuvre de décembre
Le nom de Fernand Dumeunier fait aujourd’hui encore écho au prix national, initié en 1971 par sa veuve, qui récompensait des portraits photographiques.
Le nom de Fernand Dumeunier fait aujourd’hui encore écho au prix national, initié en 1971 par sa veuve, qui récompensait des portraits photographiques. Son œuvre, bien que remise en lumière à l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi en 1972 et au Musée de la Photographie en 1987 et 2010 est peut-être moins référencée aujourd’hui. Sans doute parce que la pratique de Dumeunier continuait d’être influencée par un pictorialisme essoufflé dans un époque où les courants modernistes, visant à la précision et à l’objectivité, se sont imposés.
Peintre décorateur de formation, dessinateur-décorateur durant plusieurs années – d’abord pour les usines Boch ensuite dans celles de Boël –, Dumeunier conservera son attrait pour le pictural tout au long de sa vie. Durant la Grande Guerre, il s’initie à la photographie aux côtés du portraitise louviérois Oscar Werder. Il se perfectionne dans le domaine en se rendant avec son ami le peintre Taf Wallet à Paris où il fréquente de nombreux photographes professionnels. Deux années plus tard, il s’installe à Bruxelles, d’abord comme retoucheur ensuite comme photographe ; en 1928 il ouvre son studio à la rue des Châtaignes à Forest.
Réputé comme portraitiste, le studio Dumeunier aura pignon sur rue – ce qui lui vaudra notamment de réaliser le portrait officiel de la Reine Fabiola en 1960. On reconnait en Dumeunier ses talents pour effectuer des tirages au bromoïl, aux procédés aux encres grasses, au charbon mais également pour ses retouches sur les épreuves et les négatifs. Peu intéressé par les décors peints et accessoires souvent présents dans les studios d’époque, Dumeunier mise plutôt sur un éclairage méticuleusement travaillé pour sculpter le visage de ses modèles qu’il fait apparaître de la pénombre, leur donnant une certaine prestance quasi intemporelle. Il intervient ensuite sur l’image en usant de ses savoir-faire de peintre et tente de faire surgir la vie de ses modèles, une vie intérieure.
Héritière du mouvement pictorialiste et imprégnée par le symbolisme, l’œuvre de Dumeunier dénote quelque peu pour son époque. Sans doute est-ce pour cela que le photographe mettra un point d’honneur à défendre et justifier sa pratique. On retrouve notamment un article nommé Influences et tendances dans la revue Photo-Service Gevaert de l’hiver 1950 dans lequel il ne tarit pas d’éloges pour le mouvement pictorialiste, mouvement « aussi glorieux que spectaculaire » qui faisait des photographes qui y adhérèrent de « vrais artistes ». Il souligne que ses derniers pratiquants se sont disséminés mais que leur influence continue d’agir comme « un frein sur l’évolution désordonnée d’avant-garde », sur ce mouvement dénué « d’éléments poétiques ». Il déplore que « les images de cette veine accrochent le regard mais non le cœur » et que leurs auteurs « s’écartent trop de la beauté par excès de réalisme ». Si ces propos peuvent aujourd’hui sembler excessifs, ils sont pourtant le reflet des dualités d’une époque en photographie – celle de la fin du XXe siècle – qui ont continué, au fil des décennies, à animer certains critiques.
L’œuvre de Dumeunier demeure aujourd’hui un bel exemple d’une pratique, à la lisière entre photographie et peinture, qui assume pleinement sa descendance du pictorialisme. Cette œuvre du mois, délicate introspection dans une vie intérieure, amène avec elle le sentiment de calme et de sérénité que l’artiste a probablement voulu transmettre.
Fernand Dumeunier, Vie intérieure, Bruxelles, ca 1940. Chlorobromure, tirage d’époque, 51,7 x 38,8 cm. Coll. Musée de la Photographie MPC 90/1090. © Droits réservés – Succession Fernand Dumeunier