Publié le mardi 04 mars 2025
Œuvre de mars
Leonard Freed naît à New York dans le quartier de Brooklyn en 1929. Dès ses 23 ans, il part voyager en Europe et en Afrique du Nord. En 1954, il vend sa première photographie à un journal hollandais et décide d’en faire son métier. Il s’installe environ 10 années en Europe et y couvre de nombreux sujets, plaçant l’humain au centre de son objectif. Il s’intéresse ainsi au quotidien des habitants d’Amsterdam où à la construction du mur de Berlin et à la vie qui s’articule autour. En 1956, il se déplace en Belgique pour photographier l’enterrement des mineurs victimes de la catastrophe du Bois du Cazier. Il porte une attention particulière à la communauté juive, dont il est issu, et photographie ses membres tout au long de sa carrière. À son retour aux États-Unis vers 1965, il s’intéresse à sa ville natale et poursuit son travail lié aux communautés victimes de discriminations.
Les années 1960 sont synonymes de luttes sociales aux États-Unis. La société américaine, profondément inégalitaire dans ses lois raciales, est remise en cause par les mouvements de contestation en faveur des Droits Civiques. En 1963, Freed est au rendez-vous pour photographier la Marche sur Washington lors de laquelle Martin Luther King prononce son célèbre discours "I have a dream". Poursuivant sur cette voie, Freed débute alors un travail sur les Afro-Américains de Harlem et des quartiers environnants. En 1969, il publie le résultat de ces années de photographie dans le livre Black in White America dans lequel, il met l’accent, une nouvelle fois, sur les individus : homme, femme et enfant. Il photographie ainsi des jeux d’enfants, des soldats en stationnement, des militants en action, des moments de joie ou de tristesse...
La photographie choisie pour l’œuvre du mois est issue de ce travail consacré à la communauté afro-américaine. L’image est construite de manière à comprendre directement le sujet choisi : l’enseigne indiquant "Muhammad’s Mosque" nous informe sur le lieu où est prise la photographie. Les hommes portent des costumes et semblent sortir du bâtiment. Freed a peut-être réalisé son cliché un vendredi, jour de rassemblement et de prière à la mosquée. De par son angle de prise de vue, la photographie induit une impression de foule relativement compacte où le recul semble limité, voire impossible. Cette proximité indique également la capacité du photographe à s’intégrer au sein du groupe. L’un des hommes regarde d’ailleurs directement vers l’objectif sans que cela semble le déranger qu’un photographe soit présent. Vu le contexte politique, ce genre d’interaction laisse supposer un système de confiance entre Freed et ces hommes. Cette remarque s’applique à de nombreuses autres photographies de la série ou, d’une manière générale, à l’approche photographique de Leonard Freed. Il fut choisi en 1967 par Cornell Capa pour figurer avec cinq autres photographes au sein de l’exposition Concerned Photography, un titre qui semble évoquer parfaitement le travail et la méthode de ce grand reporter du XXe siècle.