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Publié le vendredi 01 avril 2022

Œuvre d'avril

Assise, le sourire un peu crispé, tenant d’une main un magazine et de l’autre un stylo, Pam, 42 ans, prend la pose dans sa cuisine. Posant seuls ou ensemble, les protagonistes rejouent pour la photographe les gestes de leur quotidien. Plongée dans une intimité reconstruite pour elle, Beth Yarnelle Edwards immortalise la jeune femme prête pour son bal de promo, la petite fille déguisée au milieu de son univers enfantin, le couple de seniors partageant un petit-déjeuner, la partie de base-ball familiale dans l’allée de garage, le repos d’une élégante femme avant que les convives n’arrivent ou encore le départ des parents pour le travail, accompagnés de leur fille. Oscillant entre réalité et artifice, ces scénarios domestiques sont mis en scène par Beth Yarnelle Edwards et interprétés par des gens ordinaires dans leur propre maison, dans les banlieues ou petites villes de province de Californie. Autant de sujets qui, de prime abord, peuvent sembler communs et anodins mais qui pourtant fascinent autant les uns que les autres.
 
Cette fascination, Beth Yarnelle Edwards va rapidement la ressentir pour ces protagonistes. En 1997, alors qu’elle habite à San Carlos et éprouve un profond ennui dans cette ville en banlieue, elle décide d’aller à la rencontre de ses voisins et connaissances pour lesquels vivre là est un idéal de vie. Rapidement, elle instaure un protocole qui comprend d’abord une interview et ensuite une séance de prises de vue. À travers le récit du quotidien des habitants, la photographe recherche la singularité dans la banalité et elle leur demande alors de rejouer la scène décrite.  Ses portraits deviennent l’expression universelle du rêve californien (voire américain) – celui de la famille harmonieuse dans une foyer stable. Rêves et espoirs se heurtent quelquefois à la désillusion. 
 
Près de vingt ans après le début de cette série, la photographe a souhaité retourner voir ses sujets originaux. Elle fut agréablement surprise de découvrir la stabilité de la vie de certaines de ces familles et l’évolution de celles-ci. Elle décide alors de relancer le projet et de les photographier à nouveau. Si cette série peut sembler, dans la démarche, être documentaire, la photographe ne la considère pas comme telle. Pour elle, son approche est narrative – raconter une histoire l’intéresse davantage que de capturer un instant. Ses photographies sont construites comme des tableaux où rien ne semble confié au hasard. Le cadrage est d’une extrême rigueur, la lumière parfaitement maîtrisée. À l’instar des peintures d’Edward Hopper, les images de Beth Yarnelle Edwards sont le reflet d’une époque, des portraits de la vie moderne.

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Beth Yarnelle Edwards, Pam, Age 42, de la série Suburban Dreams, Californie, 1997. C-print
tirage d’époque, 35,5 x 45,7cm. Coll. Musée de la Photographie MPC 98/1265. ©Beth Yarnelle Edwards