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Publication

Publié le vendredi 01 septembre 2023

Œuvre de septembre

À l’instar d’autres de ses contemporains photographes, Paul Bayart est peintre de formation et de profession. Il s’installe à ce titre au registre communal de Schaerbeek où il établit son studio de 1897 à 1914. Il y pratique la peinture mais également la photographie, la vente de matériel photographique, l’impression photomécanique, la vente de cartes postales ainsi que la retouche et l’impression de dessins industriels. L’image sous toutes ses formes caractérise donc son activité. De sa peinture, nous gardons la trace de scènes champêtres et forestières où se reconnaissent de vagues échos du courant impressionniste. En tant que photographe, il est inscrit à l’Association Belge de Photographie (ABP) de 1884 à 1914. Deux bulletins publiés par l’ABP mentionnent d’ailleurs son nom, en 1895 et 1896, dans les comptes-rendus des séances de projections de diapositives de la section bruxelloise. Nous apprenons dans ces pages que Monsieur Paul Bayart y a présenté des vues d’architecture, de ferme, des « types » de portrait (fileuse, moissonneuse…), des fleurs ainsi qu’une « scène de kermesse ». Cette dernière évocation nous ramène directement à la photographie présentée ce mois-ci au Musée. Il semble raisonnable de penser que le sujet traité ne fut pas un coup d’essai unique pour le photographe. Il n’est pas question de dire ici que Bayart photographiait uniquement des scènes festives, mais plutôt d’amener la réflexion sur ce témoignage d’un goût certain pour ce genre. Un thème qui, par ailleurs, offre de nombreux développements de sens et de style en lien avec l’expression artistique de l’époque. Le XIXe siècle bascule dans le mouvement. Les déplacements s’accélèrent, les vies également, l’art suit forcément le même courant. Théâtres d’optique, dioramas, photographie et, ultime aboutissement, le cinéma, apparaissent et animent l’image. Au cœur de la photographie de Bayart En suivant la musique se trouve justement ce « mouvement ». La marche, les bras levés, le manteau qui se soulève, le groupe compact, tout tend vers son expression, jusqu’au choix d’une prise de vue en oblique et aux légers flous de bougé qui accentuent l’impression d’effervescence. L’ensemble, de plus, est en tension vers un évènement que nous ne pouvons voir et dont le titre oriente notre imagination. Le spectateur complète dès lors mentalement le tableau avec musiciens et instruments. Il est intéressant d’analyser la construction de cette image au regard de l’époque : la fin du XIXe siècle voit l’apparition du cinéma tel le résultat logique d’un monde qui aspirait à ce mouvement et créateur lui-même de nouveauté dans le regard. Le hors-champ et l’instantané dont use Bayart dans sa photographie témoignent pleinement des préoccupations animées de son temps. L’immersion dans la scène, obtenue par l’envahissement du cadre par les personnages, tient, elle aussi, du goût du spectacle par l’ordinaire. Ce « point quelconque de la flèche du temps » que la photographie capture et sublime, dont parle Dominique Païni, commissaire de l’exposition Enfin le cinéma ! présentée au Musée d’Orsay en 2021-2022, change radicalement la perspective des artistes face à leur création, ouvrant par sa nature une nouvelle étendue des possibles.

 

Paul Bayart, En suivant la musique, Morlanwelz – Mariemont, 1897-1914. Épreuve à la gélatine argentique contrecollée sur carton, tirage d’époque, 12,5 x 17,7 cm. Coll. Musée de la Photographie MPC 86/1264