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Publication

Publié le mercredi 01 novembre 2023

Œuvre de novembre

L’artiste franco-marocaine Yto Barrada a étudié l’histoire et les sciences politiques à la Sorbonne à Paris, elle a ensuite poursuivi son cursus à New York en photographie. Son travail multidisciplinaire explore à la fois la photographie, la sculpture, l’édition et le film. Elle a été exposée dans de nombreuses institutions telles la Tate Modern à Londres, le MoMA à New York ou encore le Centre Pompidou à Paris et son œuvre y a rejoint les collections. Elle est également la fondatrice et directrice de la Cinémathèque de Tanger. Ses photographies sont entrées au Musée de la Photographie à Charleroi en 1999 à la suite de l’exposition collective Afrique(s) organisée en son sein. 

Le travail présenté en 1999, Les meilleures intentions ou le journal d’une femme de chambre, dont est issue la photographie de l’œuvre du mois, a été réalisé dans le cadre d’un projet collectif plus large appelé Médinas qui relatait la vie de la jeunesse marocaine dans les métropoles du pays. Dans son travail, la photographe s’est penchée sur les parcours de jeunes filles des campagnes marocaines parties pour la ville. Ces dernières y sont embauchées comme « aides-ménagères » par des familles aisées. Elles ont alors pour tâches d’aider à la cuisine, de s’occuper de l’entretien, des courses, des enfants. Elles sont entièrement disponibles pour leurs employeurs et n’ont de vacances que deux à trois fois par an pour rendre visite à leurs familles auxquelles elles versent l’argent reçu. La photographe, qui connait très bien la situation pour l’avoir vécue dans sa famille, en parle en ces termes : « Les familles bourgeoises qui les emploient sont persuadées de les sortir de la misère et de l’ignorance de leur campagne sordide, de ‘faire le bien’ ». Dans ces images et les légendes qui les complètent, Yto Barrada offre un témoignage de la vie de ces très jeunes femmes. Au-delà du statut que la société leur a assigné, elles y reprennent jeunesse et identité dans leur nouvel univers citadin ou dans leur maison d’enfance.

L’image présentée ce mois-ci est extraite de cette série. Elle a été prise lors d’un retour au village pour Aïcha, une des « aides-ménagères ». L’enfance et l’adolescence y retrouvent toute leur place. Dans cette photographie, un instant précieux est capté : l’éclat de rire et la complicité. L’avant-plan occupé par la couverture et le plan rapproché sur les deux filles renforcent le sentiment de familiarité. Malgré la légende qui parle du froid, une chaleur humaine émane de l’image. Nous y apprenons également qu’« elle veut nous suivre pour tenter sa chance en ville ». La réalité n’est jamais bien loin et, avec elle, son lot probable de désillusions. Reste que le moment de joie semble surmonter tous les obstacles, force du rire et de l’espoir.
 

Yto Barrada, Elle veut nous suivre pour tenter sa chance en ville […] nous rions sous les couvertures à cause du froid, Maroc, 1999. Impression jet d’encre d’époque, 20,6x30,4 cm. Coll. Musée de la Photographie, MPC 99/443 © Yto Barrada