03.06.23 - 24.09.23
Vernissage : 03.06.23 - 18h30
Héloïse Boulanger. Canvas
Le hasard fait parfois bien les choses. A condition toutefois de savoir s’en accommoder et, si besoin, de forcer quelque peu sa chance en transformant les obstacles en opportunités. C’est ce que raconte, à sa façon, le parcours d’Héloïse Boulanger. Si son travail mêle les genres à partir de la photographie, cette dernière aurait parfaitement pu ne jamais entrer dans sa vie. « Au départ », explique-t-elle, « la photographie n’était pas du tout une évidence pour moi. Durant mes études secondaires, j’étais partie pour me former à la peinture, au dessin, à l’aquarelle, aux pastels... Mon école offrait en effet la possibilité de s’inscrire dans une section artistique. C’est celle que j’avais choisie. Malheureusement, très peu d’étudiants choisissaient cette option. A tel point que la direction a décidé de la supprimer les deux dernières années. J’étais donc forcée de me réorienter. Parmi les différentes filières proposées, il y en avait une qui m’intéressait plus que les autres, la filière audiovisuelle. C’était de l’enseignement transitionnel qui me permettait au moins de rester dans quelque chose d’artistique. On avait des cours de cinéma mais aussi de photographie. Et en prime un cours d’histoire de l’art qui, curieusement, n’existait pas dans la section arts plastiques. Dans ce cours, la prof donnait la même importance à la photographie qu’à la peinture et m’a vraiment ouvert les yeux sur les possibilités de ce médium. »
Durant deux années, elle découvre l’histoire de l’art et s’initie à la photographie dont elle explore diverses possibilités. Au point de vouloir poursuivre dans cette voie. Elle choisit alors de s’orienter vers la haute école Albert Jacquard, réputée pour dispenser un enseignement très technique dans le domaine. « Un de mes profs de secondaire, apprenant que j’avais fait ce choix, m’a prévenue : tu vas souffrir, leur truc c’est la technique, pas du tout la créativité. » Mais j’ai persisté et j’ai choisi la section illustration en me disant que, si ça ne me plaisait pas, je pourrais toujours me réorienter. »
C’est ce qu’elle fait rapidement en se dirigeant vers une section qui permet d’aborder un maximum de domaines : photographie, vidéo, 360 degrés, création web... Avec la confirmation de ce que lui avait prédit son professeur : « On était là pour apprendre la technique et rien que la technique. Moi, j’étais le contraire de ça. En même temps, je réussissais bien mais dès que je créais quelque chose qui me plaisait vraiment, on me rembarrait en me disant que c’était trop « artistique ». Et ça volait à la poubelle. »
Un apprentissage à la dure qui va culminer avec son travail de fin d’études. « Durant un an, j’ai sillonné l’Europe pour un travail en photo argentique qui a été validé par mes profs tout au long de l’année. Et puis au moment du jury, je me suis fait allumer. On m’a dit qu’on m’offrait une deuxième chance. J’avais un mois pour présenter un autre travail début août. Et on m’a précisé qu’il fallait que ce soit plus technique et moins artistique. »
Volontaire, la jeune femme se remet au travail. Mais pas vraiment comme ses profs l’entendaient. « J’ai fait, volontairement, tout l’inverse de ce qu’on m’avait demandé. On me demandait un petit truc technique et j’ai décidé de présenter un gros truc artistique mêlant photo, peinture, collage, vidéo, autour de ressentis personnels. » Une prise de risque maximale qui, contre toute attente, s’avère payante. On peut s’en étonner mais en découvrant ce travail, on peut aussi le comprendre. Outre sa qualité intrinsèque, la série Canvas est une exploration de toutes les techniques utilisables pour un tel travail : photographie, impression sur toile, impression 3D, superpositions, collages, sérigraphie sur papier, détournement de disques vinyles, superpositions de papiers calques, couture, peinture, vidéo...
« Je suis très intéressée par le mélange des médias », explique Héloïse. « J’ai utilisé les techniques en fonction de ce que je souhaitais exprimer » : la routine, le stress, l’amour, l’indécision, la contrainte, la vulnérabilité, la culpabilité... Un travail qui surprend et brouille les pistes, invitant le regardeur à observer les choses différemment, à se questionner et, parfois, à agir comme dans cette interprétation de « La rage » dont on ne décèle vraiment toutes les facettes qu’en agitant une feuille de gélatine rouge devant une œuvre mêlant photo, texte et sérigraphie. À vous de jouer...