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Publié le mardi 02 janvier 2024

Œuvre de janvier

Eugène Atget est un nom incontournable de l’histoire de la Photographie. S’il fut relativement peu connu de son vivant, sa mort et la découverte posthume de son œuvre, par l’intermédiaire non négligeable des photographes Man Ray et Berenice Abbott, ont fait de lui une figure clef de l’art photographique. Eugène Atget ne se destinait pourtant pas à la carrière de photographe. Né dans une famille modeste et devenu orphelin très jeune, il s’embarque adolescent sur un cargo à destination de l’Uruguay comme garçon de service. Il s’agit là de l’unique grand voyage de sa vie mais dont il fera abondamment récit, s’inventant une carrière de marin. À son retour en France, il ambitionne de devenir comédien mais il est exclu du conservatoire, peut-être en raison d’un emploi du temps déjà chargé par les obligations militaires qui le retiendront quatre années. Il poursuit néanmoins cette voie en devenant comédien ambulant et rencontre, dans ce milieu, sa future épouse Valentine Delafosse-Compagnon qui lui sera fidèle toute sa vie. En 1888, congédié du théâtre, il se tourne vers la peinture et s’installe à Paris pour exercer. Il essuie un nouvel échec et s’engage alors sur le chemin de la photographie qu’il ne quittera plus. Il aborde cette nouvelle discipline en autodidacte et avec l’ambition de « produire des documents pour artistes ». Il considère, jusqu’à la fin de sa vie, sa production photographique comme des « documents ». En témoigne un échange daté de 1926 avec Man Ray où ce dernier lui demande l’autorisation de publier ses œuvres dans La Révolution surréaliste et Atget de répondre « Ne mentionnez pas mon nom. Ce sont de simples documents que je fais ».

Quand il commence à photographier en 1890, Eugène Atget se concentre sur ce qu’il considère comme une réponse aux besoins des artistes peintres : images d’arbres, de fleurs et d’objets variés. Quelques années plus tard, il débute la part la plus connue et la plus continue de son travail : les vues de Paris. Il organise son travail en séries, celle du « Paris pittoresque » réunissant les images de vie urbaine, celle du « Vieux Paris » dont sont issues les vues topographiques et architecturales. Après 1900, il se concentre sur les « arts décoratifs » et photographie les balcons, les grilles, les heurtoirs, les enseignes, les rampes d’escalier… Il revient ensuite à ses premières séries et photographie Paris jusqu’à la fin de sa vie. L’époque qui est la sienne est également celle des grandes modifications urbanistiques de la capitale française, son œuvre prend donc également sens d’archive. Ainsi, dès 1906, sa série sur « Le Vieux Paris » est commandée par les bibliothécaires de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. En 1920, ce ne sont pas moins de 2 126 plaques qui sont achetées par le directeur des Beaux-Arts de Paris et aujourd’hui conservées aux Archives Nationales françaises.

Après sa mort, la réception de son œuvre se fait donc d’abord sur le continent américain par l’intermédiaire de Berenice Abbott qui acquiert 1 797 de ses plaques négatives. En 1968, elle les donne au MoMA de New York avec 10 000 épreuves positives. Le livre Atget, photographe de Paris publié en 1930 chez H. Jonquières, préfacé par Pierre Mac Orlan et avec la contribution de Berenice Abbott, marque une première édition monographique de ses œuvres.

Si le Musée de la Photographie conserve au sein de sa collection des vues de Paris réalisées par Eugène Atget – certaines d’entre elles sont d’ailleurs visibles au sein du parcours permanent du Musée – la photographie choisie pour l’œuvre du mois appartient à un aspect plus méconnu de son travail. Le lieu précis de prise de vue n’est pas identifié et, bien qu’un numéro se devine dans le coin inférieur droit de l’image, celui-ci n’a pu être mis en lien avec une référence d’inventaire. Il est cependant notoire qu’Atget photographia le port de La Rochelle ainsi que les bords de la Marne. Le sujet des « bateaux » n’est donc pas totalement isolé dans son travail. L’image porte, de plus, d’autre signes distinctifs de l’œuvre du photographe : l’importance accordée au premier plan à la netteté parfaite, l’aspect évanescent du second plan, l’absence de mouvement et l’impression de « vide ». Le bateau est le centre de la composition et se suffit à lui-même comme, dans d’autres images d’Atget, les rambardes d’escalier ou les façades des maisons parisiennes. Cette pratique constante et assidue de la photographie a fait d’Eugène Atget, bien malgré lui semble-t-il, l’un des plus grands photographes du XXe siècle.

photo article

Eugène Atget, Bateau et barque sur une plage, ca 1895. Épreuve sur papier albuminé, tirage d’époque, 17,8 x 22,6 cm. Coll. Musée de la Photographie MPC 90/483