Publié le mardi 30 janvier 2024
Œuvre de février
Cette œuvre du mois émane d’une série plus vaste où les divers rayons peuplant nos grandes surfaces ont été photographiés. S’y jouent des scènes classiques qui pourraient nous être contemporaines si les vêtements ne trahissaient pas une certaine époque. Dans le rayon bricolage un protagoniste contemple son futur achat pendant qu’un autre s’ennuie ; dans le rayon casseroles, trois dames analysent méticuleusement l’objet de leur désir ; dans le rayon chaussures une jeune femme essaye une dixième paire de souliers, dans le rayon jardinage, monsieur observe l’outil et madame, les bras chargés, attend... Autant de scènes anodines et familières que l’on croise – sans plus réellement y prêter attention – dans un supermarché.
Loin d’être un éloge ou, au contraire, une critique des temples de la consommation, la série Les Supermarchés se veut plutôt comme une quête de la beauté dans la banalité quotidienne. Flirtant entre la fiction et la réalité, il est difficile de percevoir, au premier regard, si ces photographies sont l’objet d’un reportage ou d’une mise en scène méticuleusement orchestrée. En réalité, Véronique Ellena fait rejouer, par des amis ou des proches, des scènes ou des situations qu’elle a observées. Elle les photographie ensuite avec un appareil argentique de grand format, une chambre 4 x 5, imposant un long temps de pose – contrastant avec la frénésie des grandes surfaces – et sublimant alors le banal. Si ce travail peut sembler proche d’une analyse sociologique, il est avant tout un regard, avec une sincère empathie, sur la petite histoire, sur le commun, sur l’autre.
Plasticienne française, Véronique Ellena suit d’abord des cours aux Beaux-Arts de Nancy et de Dijon avant de rejoindre Bruxelles où elle s’inscrit à l’École nationale supérieure des arts visuels La Cambre. Elle y est formée notamment par Gilbert Fastenaekens, et la série Les Supermarchés est présentée pour son jury de fin d’année. Ce premier projet donnera lieu à une suite d’autres séries consacrées à la vie quotidienne où les figurants d’un jour rejouent leur propre rôle. Les questions de l’autre, des relations humaines, mais également de ce qui fait le quotidien, vont jalonner son œuvre. La photographe a une importante rétrospective au Musée Réattu lors des Rencontres d’Arles en 2018 et, en 2021, nos collègues du Hangar Photo Art Center, remettaient à l’honneur son travail lors de l’exposition Regarde mon histoire / vivre sa vie ! Ce fut l’occasion pour les deux photographies présentes dans la collection de Musée d’être exposées à Bruxelles.