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Publié le mardi 05 mars 2024

Œuvre de mars

Le nom de Sarah Bernhardt évoque peut-être encore chez certains une chanteuse ou une actrice d’une époque passée, mais il est, pour beaucoup, tombé dans l’oubli. Pourtant, celle que Victor Hugo a surnommée « la Voix d’or » et pour qui l’expression « monstre sacré » fut inventée par Jean Cocteau, est considérée comme la première star internationale de l’époque moderne par de nombreux historiens. Elle fut actrice, chanteuse, sculptrice et peintre. Pour les 100 ans de sa mort, en 2023, le Petit Palais à Paris lui a consacré une grande exposition monographique racontant sa vie, ses succès et ses déboires, rappelant à chacun la place particulière qu’occupait cette grande artiste dans la société de son époque. Sa vie tient, en partie, du récit mythique. Elle a construit son personnage avec une presse qui ne demande qu’à l’écrire. Certains « hauts faits » de son enfance sont racontés pour mettre en avant son caractère volontaire, sa devise « quand même » est prêtée à plusieurs de ses actes, ses comportements de « divas » ainsi que ses tournées internationales sont décrites avec quantité de détails. Il n’empêche que malgré une théâtralisation certaine de sa vie, la plupart des faits sont admis par les historiens. Sarah Bernhardt est plus que consciente de cette « mise en scène » d’elle-même. Elle recourt au récit mais également à l’image et forcément à l’une des grandes modernités de son époque : la photographie. Nombreux sont les portraits de la « Voix d’or » : à tous les âges, dans toutes les tenues et dans tous les décors. 

Au Musée, nous conservons neuf photographies la représentant : huit en costumes de scène et une où elle se tient à côté d’un chevalet, portant tenue et outils du peintre. Toutes ces photographies sont soigneusement composées, résultant d’une volonté de l’artiste de contrôle de son image. Selon certaines sources, Sarah Bernhardt n’hésitait pas à casser ou rayer les négatifs dont elle n’appréciait pas le résultat. 

Partant de ce postulat, nous pouvons supposer que la photographie choisie pour l’œuvre du mois ne fait pas exception et qu’elle fut « validée » par l’artiste en son temps. Sarah Bernhardt porte ici son costume de Mélissinde, héroïne de la pièce La princesse lointaine écrite par Edmond Rostand (auteur de Cyrano de Bergerac) pour la comédienne avec qui il entrainait une relation de grande amitié. Il semble que la couronne ait été conçue par Alfons Mucha – qui fit également de nombreuses affiches publicitaires en s’inspirant de la silhouette de Sarah Bernhardt – et réalisée par le bijoutier René Lalique. La pièce se joue en avril 1895 dans le Théâtre de la Renaissance à Paris. Il existe plusieurs portraits de Sarah Bernhardt portant ce costume et prenant la pose. Ils sont présents dans diverses collections muséales, tant en France que dans d’autre pays, notamment aux États-Unis. Cette diffusion est en concordance avec le commerce qui existait pour de telles images de la « star » Bernhardt. Cette pose travaillée, ce regard inspiré et ce foisonnant costume de scène participent à la publicité de la comédienne et de la pièce. L’usage du « portrait de célébrité » entre petit à petit dans le champ de la photographie, la « Divine » ne s’y est pas trompée et n’aura de cesse de recourir à ce médium reproductible à souhait pour la diffusion de son image.

Léopold-Émile Reutlinger (France, 1863-1937), Sarah Bernhardt (1844-1923), Paris, 1895. Épreuve sur papier albuminé, tirage d’époque, 14,5 x 10,5 cm. Coll. Musée de la Photographie, MPC 2002/529