Publié le mardi 01 octobre 2024
Œuvre d'octobre
La liste des photographes qu’a fréquentés Sid Kaplan durant sa longue carrière laisse rêveur : Weegee, Lou Bernstein, Philippe Halsman, Robert et Cornell Capa, Edward Steichen, Louis Faurer, Robert Frank, pour ne citer que quelques-uns des plus célèbres d’entre eux.
Sid Kaplan est né dans le quartier du South Bronx à New York en 1938. Il a vécu, et vit encore aujourd’hui, dans l’East Village de New York où il s’installe comme tireur indépendant en 1968. Il se forme à l’École des Arts Industriels de Manhattan où il apprend les bases de la photographie. Parallèlement, il suit les réunions du « Village Camera Club » où il rencontre notamment le photographe Weegee. Son diplôme en poche, il enchaine plusieurs petits boulots toujours en lien avec la photographie. Après six ans, et davantage d’expérience acquise, il décroche en 1962 un travail au laboratoire Compo, le deuxième plus grand de New York. L’exposition Family of Man, orchestrée par Edward Steichen, a été entièrement tirée par Compo en 1955, Kaplan apprend donc le travail auprès des photographes ayant sorti les images de cette grande manifestation photographique. Dans ce laboratoire de renom, défilent des photographes comme Philippe Halsman, Robert et Cornell Capa, Weegee, Louis Stettner, Ralph Gibson, Louis Faurer ou encore Duane Michals que Kaplan apprend à connaitre et dont il tire les photographies. À côté de ces auteurs de talent se trouvent également d’autres que Kaplan n’hésite pas à qualifier de « mauvais photographes » avec de « mauvais négatifs ». Cette partie du travail chez Compo se révèle beaucoup moins intéressante et se combine à une longue liste de commandes et un horaire épuisant. Kaplan décide donc de quitter Compo pour devenir tireur indépendant en 1968. Son talent, et les photographes qu’il a rencontrés chez Compo, lui assure une solide base de clientèle. Par l’intermédiaire de Ralph Gibson, Sid Kaplan rencontre Robert Frank dont il deviendra le tireur officiel durant 35 ans et qui lui présentera notamment Allen Ginsberg (poète américain et membre fondateur du courant de la Beat Generation). Dans son laboratoire de l’East Village, dont l’un des voisins n’est autre que W. Eugene Smith, de nombreux photographes viennent faire tirer leurs images. Dans l’histoire de la photographie, Kaplan est donc principalement connu pour son travail de tireur professionnel, ce qui ne l’empêcha pas de prendre de très nombreuses photographies durant toute sa vie.
Son historiographie raconte qu’il aurait rencontré dans son adolescence le photographe Lou Bernstein (Sid était le compagnon de classe de son fils) qui lui aurait conseillé de ne « jamais devenir un photographe commercial » pour pouvoir réaliser les images qu’il avait envie de faire. Il semblerait qu’il ait suivi ce conseil avisé en photographiant des sujets éclectiques, sans thème précis, là où son regard et ses pas le menaient, notamment dans les villes de New York, Philadelphie ou Minneapolis et sur les routes américaines.
La photographie de l’œuvre du mois, prise à New York en 1957, illustre bien les qualités de son travail. Cette image sans sujet réel, si ce n’est l’architecture épurée des cheminées, attire le regard par divers éléments construits par le photographe. Il faut noter le cadrage serré sur les quatre éléments verticaux accentuant l’effet « en escalier » de leurs tailles variées et leur donnant une importance particulière dans le paysage des toits urbains. Le contraste obtenu entre les cheminées au rendu sombre et opaque et le ciel clair dépourvu de tout défaut confère une force supplémentaire à l’image à laquelle les talents de tireur de Sid Kaplan ne sont pas étrangers.
Le caractère modeste du personnage, qui explique sans doute en partie la méconnaissance actuelle de son travail, est souvent mis en avant par ses connaissances, tant les photographes qu’il a côtoyés que les responsables d’institutions en charge aujourd’hui de la préservation et la valorisation de son œuvre. Une œuvre dont les négatifs, planches contacts, et tirages postérieurs sont aujourd’hui à la bibliothèque de l’Emory University d’Atlanta qui a la charge de sa diffusion auprès du public.