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Publié le mardi 01 février 2022

Œuvre de février

Pour qui rêvait, le temps d’un instant, d’être aux commandes d’un avion, d’un paquebot, ou d’un monocycle ; d’endosser le rôle d’un ivrogne, d’un dompteur de lion ou autres personnages farfelus titillant l’imaginaire, les studios photographiques et les fêtes foraines étaient un véritable terrain de jeu. Les « passe-têtes » connaîtront un certain succès dans les années 1920 et continuent aujourd’hui encore, avec leur charme désuet, à amuser les petits et les grands. 

Ces panneaux de bois aux décors humoristiques peints et ajourés pour que les clients viennent passer leur tête s’inscrivent dans les « récréations photographiques ». Ces dernières apparaissent autour de 1890 au moment où l’automatisation et l’industrialisation de la photographie se mettent en place. Kodak et son célèbre slogan « Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste » permettent l’émergence d’une nouvelle génération de photographes amateurs. Afin de nourrir leur créativité, des ouvrages leur sont adressé avec, notamment, des conseils pour réaliser des portraits fantaisistes. Les studios et ateliers s’inspireront eux aussi de ces astuces pour tenter de renouveler leur pratique qui, entre l’abondance de ces photographes amateurs, la concurrence entre studios et la lassitude de la clientèle pour les portraits « classiques », sont en perte de vitesse. Ce renouveau se marquera par une offre de portraits avec « effet artistique » ou « en situation », dans des décors et costumes choisis par le client. L’utilisation de « passe-têtes » – à acheter dans le commerce ou à confectionner soi-même – fait également partie de ces possibilités pour amuser la clientèle. Ils connaîtront surtout un grand succès dans les studios présents dans les lieux touristiques et les fêtes foraines. 

Source de divertissement, les « passe-têtes » permettent de se glisser dans la peau d’un autre ou de s’essayer à des situations inédites. Souvent imprimées sur du papier carte postale – papier le moins cher du marché – les photographies pouvaient être envoyées (grâce à l’emplacement prévu au revers pour la correspondance, l’adresse et le timbre) et permettaient de partager ce moment ludique. 
Le studio de la Tour Eiffel (dont nous possédons peu d’informations) proposait aux clients (sans doute des touristes d’un jour) d’être photographiés grimpant sur la Dame de fer. Cette œuvre du mois témoigne de l’amusement ressenti par les deux protagonistes au moment de la prise de vue et prolonge le plaisir des années plus tard. 

 


 

Cette œuvre du mois a été rédigée avec comme source le chapitre de Clément Chéroux Portraits en pied (de nez). L'introduction du modèle récréatifdans la photographie foraine, extrait de son livre Vernaculaires. Essais d’histoire de la photographie paru en 2013 aux éditions Point du Jour.

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Studio de la Tour Eiffel, Tu [as] ton petit chien ours dans le parc de la Tour Eiffel. Remarquez qu'Andrée essaye de rattraper la colonne en poids : 62kg !! et toute nue !!! Ton papa [Valery], Paris, 1948. Carte postale, épreuve à la gélatine argentique, tirage d’époque 11,5cm x8,2cm. Coll. Musée de la Photographie MPC 86/1055