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Publié le jeudi 02 mars 2023

Œuvre de mars

Les photographies de Georges Desgain ont rejoint depuis trente ans la collection du Musée. Il s’agit d’un petit ensemble contenant principalement des vues de paysages bucoliques et maritimes, animés, ou non, de quelques personnages en arrière-plan. Trois albums photographiques complètent le fonds, deux retraçant des voyages et un dernier composé de portraits de famille. Les quelques notes, laissées par la famille de Georges Desgain lors de la donation, nous apprennent qu’il était receveur communal à Gilly. Il a également été notifié qu’il était violoncelliste et organiste amateur, sa pratique devait néanmoins être aboutie pour qu’on songe à l’indiquer dans sa biographie. À l’instar de sa pratique photographique, qu’il exerçait également en amateur, et dont les qualités techniques et esthétiques restent remarquables aujourd’hui.

Les deux tirages de la cabine de plage sont issus du même négatif. La distinction se fait dans le choix de la technique de développement du positif. L’image qui apparait dans des teintes de bleu est un cyanotype, l’autre est une épreuve à la gélatine argentique. Le cyanotype, du mot « cyan » en français ou « blue print » en anglais, est un des plus anciens procédés photographiques connus. Il doit son nom au pigment de couleur bleu qui constitue son image. Il est mis au point en 1842 par l’Anglais John Herschel. Sa compatriote, la pionnière en photographie et biologiste Anna Atkins, utilise rapidement ce procédé pour ses ouvrages scientifiques. En 1843, elle publie British Algae, un recueil de biologie entièrement illustré de cyanotypes et considéré comme le premier livre de photographies. À cette époque, le procédé à faible coût de fabrication et à l’utilisation aisée était principalement utilisé pour la reproduction de plans d’architectes, de dessins industriels ou encore comme épreuve-test. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle cependant, avec l’avènement du pictorialisme, premier courant artistique international de photographie, le cyanotype acquiert d’autres fonctions. Il n’est plus uniquement utilisé pour des raisons pratiques ou financières mais également pour des questions esthétiques. Les teintes bleutées du procédé plaisent aux photographes en quête d’effets picturaux dans leurs images.

Il est intéressant de comparer les deux tirages et les rendus produits par la technique. Le cyanotype rappelle forcément les couleurs marines ainsi que cette « heure bleue » du crépuscule. Le bleu sombre confère une riche intensité à l’image. L’épreuve à la gélatine, aux teintes brunâtres, laisse quant à elle plus de place à la netteté de la plage illuminée des derniers rayons du soleil. L’image a également été recadrée. La découpe induit une vision plus panoramique de la scène, les quelques nuages du ciel prenant de l’ampleur dans cet espace réduit. Simple recherche technique ou volonté esthétique, l’intention de Georges Desgain nous restera sans doute à jamais inconnue. Cependant, en produisant ces deux images, il nous offre des vues dont les forces d’évocation sont indéniablement différentes.

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Georges Desgain, Cabine de plage au crépuscule, Knokke, 1901-1910. Cyanotype et épreuve à la gélatine argentique, tirages d’époque, 7,8x10,6 cm et 5,8x11 cm. Coll. Musée de la Photographie, MPC 93/995 et MPC 94/585