Publié le lundi 10 juillet 2023
Œuvre d'août
L’œuvre du mois d’août nous invite à voyager jusqu’Oakland, sur la côte ouest des États-Unis, à l’intérieur d’un diner. Lieu parfois de rencontre mais le plus souvent de passage, le célèbre diner américain a longtemps fasciné les artistes. Si c’est aux tableaux d’Edward Hopper auxquels on songe en premier, le diner deviendra un des symboles récurrents de la culture visuelle américaine. Réalisée en 1985 par le photographe américain Steve Davis, cette photographie nous renvoie spontanément à William Eggleston, Stephen Shore ou encore Joel Meyerowitz. Au milieu des années 1970, tous trois auront mené à la reconnaissance de la photographie couleur au sein des institutions muséales et des galeries d’art. Ils seront les figures de proue de cette génération de photographes influencés par le style documentaire initié par Walker Evans et qui useront de la couleur pour immortaliser le quotidien, l’ordinaire, le prosaïque. Steve Davis fait partie de cette génération.
C’est au début des années 1980 que le photographe débute la série Chambers of Commerce consacrée aux espaces publics de la baie de San Francisco. Grands magasins, motels, salons de coiffeurs, diners et bars deviennent ses sujets de prédilection. Si ces lieux sont essentiellement des endroits où se croisent et s’entrecroisent habitants et touristes, une fois dépeuplés, le temps y parait suspendu. Mais bien que l’homme soit absent des images, il demeure omniprésent à travers les objets qui agencent et rythment ces lieux.
Steve Davis perçoit ces espaces comme des installations sculpturales, presque comme des ready-made. Mais ces photographies ont aussi charge documentaire qui nous plonge dans l’Amérique des années 1980. Peuplées de symboles ou encore de portraits d’idoles – ici le duo Roy Rogers & Dale Evans et le King – les images de Davis sont le témoignage d’une certaine société américaine. Vient à l’esprit la photographie Drug store – Detroit de la série The Americans de Robert Franck, dans laquelle les travailleurs côte à côte sirotent une boisson après leur journée, mais où, malgré la foule et la proximité, c’est un sentiment de solitude qui domine. Il en est de même pour cette œuvre du mois : le client s’en est allé, le repas est terminé mais n’a pas été partagé. Si on peut facilement imaginer le brouhaha ambiant, le client n’avait pour seule compagnie que le portrait d’Elvis – c’est d’ailleurs pour cela que cette photographie est souvent surnommée « Breakfast With Elvis ».
Parallèlement à cette série, Steve Davis réalise, dès les années 1970 et encore aujourd’hui, de nombreux portraits, entre autres de ses concitoyens, mais également de ceux considérés comme en marge, braquant toujours ce regard documentaire sur la société américaine