Publié le lundi 03 avril 2023
Œuvre d'avril
Si les termes « intime, sensible et féminin » sont ceux qui viennent spontanément à la découverte des photographies de Katrien De Blauwer, à y regarder de plus près, on peut aussi y voir une certaine violence dans le geste.
Les images qui constituent la base de ses collages sont glanées dans sa collection de journaux et de magazines datant des années 1920 jusqu’aux années 1960. L’artiste détermine ensuite ce qu’elle veut conserver ou non de l’image, ce qu’elle offre à voir, ou à l’inverse ce dont elle nous prive. En subsiste, essentiellement, des épaules, des genoux, des bouches, des dos, des seins, des mains et des chevelures, autant de fragments de corps (principalement féminins) lacérés et dépouillées de leur contexte initial. À partir de ceux-ci, elle recrée un nouveau scénario en juxtaposant, bord à bord, deux images étrangères l’une à l’autre. Dans le cas de cette œuvre du mois, l’image figurative est associée à deux morceaux de papier monochromes issus de livres anciens. Notre regard, par un violent à-plat de couleur, est privé du reste du visage de la jeune femme aux lèvres silencieuses.
Les visages sont rares, bien souvent morcelés ou cachés, défiant toute identification. Un anonymat volontaire qui vient s’entremêler à l’intimité : c’est son histoire personnelle que Katrien De Blauwer nous conte à travers ses collages.
On peut lire que l’intérêt de l’artiste pour le collage lui viendrait de l’interdiction de manipuler les albums photo de son père lorsqu’elle était une enfant. Elle aurait alors créé ses propres albums à partir d’images découpées dans des magazines. Mais la part d’imagination de ce récit est à déterminer. Ce serait toutefois plutôt à l’Académie royale d’Anvers où elle s’inscrit pour étudier la mode – après des études de peinture à Gand –qu’elle réalise ses premiers collages comme études et planches d’ambiance pour des collections de mode. Bien qu’elle ne terminera pas ses études, elle conservera le plaisir de combiner, dans ce qu’elle nomme ses « carnets », des croquis, des images, des citations, des extraits de journaux et de magazines mêlant les diverses influences imprégnant son œuvre : la littérature, l’art, la musique, la mode et surtout, le cinéma – principalement La Nouvelle Vague.
Katrien De Blauwer évite le terme de collage lorsqu’on aborde son travail, elle préfère se définir comme un « photographe sans appareil », nous ne pouvons la contredire, l’image est son sujet, les ciseaux son objectif et son découpage le cadrage.